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Xavier-Gilles Néret, Extraits de « Lieux, corps, traces »,

Texte du catalogue publié à l’occasion de l’exposition à l’Hôtel de l’Industrie. Paris,Octobre 2017.

Si Jean Dometti pratique des techniques ancestrales – la gravure, le charbon de bois, la peinture -, c’est pour les faire sortir du cadre et du mur, les déployer dans l’espace en lien avec des corps mouvants qui s’y enlacent ou les regardent.

Les pièces de la série In situ ont été créées pour entrer en résonance avec des lieux chargés de mémoire, souvent en déshérence. L’artiste veut en finir avec la fragilité du dessin protégé derrière le verre de l’encadrement. Célébrant les noces du papier Arches épais et de la toile contrecollée, il dessine, grave, peint, plie, troue, ajointe des éléments métalliques, coud, fait surgir du volume, monumental. L’acte essentiel est l’installation de la pièce dans l’espace choisi – accrochée, posée au sol ou suspendue. L’œuvre prolonge le lieu par une mise en tension afin de produire une épiphanie esthétique. L’enjeu est analogue dans la série Corps accords, où la toile fine, gravée, dessinée et peinte en fonction du modèle, prolonge non plus des lieux anciens mais des corps féminins resplendissants de jeunesse, telle la mue d’une seconde peau.

À travers ces différentes séries, Jean Dometti est en quête de densité, avec un intérêt particulier pour les variations du noir et blanc, écho sans doute de sa formation initiale de graveur, sans négliger les couleurs qu’il fabrique lui-même. Cette quête est inséparable de l’ambition d’une mise en espace suggérant une narration, en marge du langage articulé. « J’invente mon archéologie », confie-t-il, à travers une recherche obstinée de traces, d’incarnations de la mémoire.

L’espace de l’exposition confronte les unes aux autres les photographies des deux séries, et les met en rapport avec la présence physique de certains des volumes qu’elles représentent dans leur mise en scène originelle. C’est une nouvelle manière pour Jean Dometti de faire dialoguer autant de traces de son archéologie imaginaire, qui sera également enrichie durant l’exposition par la performance de modèles s’emparant de toiles/peaux pour les réactiver au sein de cette scénographie inédite.


Revue  » L’Oeil  » Paris  

… D’une lumière venue du fond des temps, émergent des formes organiques inconnues, ayant perdu tout repère avec le monde réel.

De même, toute référence au monde quotidien a disparu derrière des titres étranges, Caffus, Canix, Carrox, Carryx, Caffeux, semblant nés d’une antiquité perdue.

Sur quelle Cythère mythologique Jean Dometti nous fait-il aborder ? Fuyant la facilité des séries, chacune de ses œuvres propose une vision unique, découverte de traces d’un monde dissous, lumière entachée d’ombres ou de braises à vif.

Des formes encore à demi enfouies sous les strates, comme des apparitions solitaires restent étrangères l’une comme l’autre dans un monde chaotique. Peindre devient une quête passionnée au plus profond d’un univers mouvant et immatériel, pour livrer à la matière du tableau, ces traces d’états enfouies, si profondément cachés, où drame et douceur se perçoivent dans l’épaisseur du temps. Dans cette archéologie de l’âme, Jean Dometti nous entraîne au plus profond des passions… »

Marielle Ernould-Gandouet.


 

« La vie des arts » – Montréal. Canada

« … Les dessins ressortent parfois comme des graffitis dégagés sous la patine de poussière et de sel de parois de grottes préhistoriques. Cette iconographie procède du choc des images (ou des formes) créées par l’artiste et des images plus archétypales et moins conscientes enfuies dans sa mémoire – sa mémoire génétique propre et celle commune peut-être à tous les hommes.

La fusion incertaine qui résulte de ce choc conduit à des constructions car les représentations de Dometti sont assimilables à des échafaudages quand elles s’élèvent ou s’avancent vers ceux qui les regardent ; elles sont assimilables à des cratères quand elles s’enfoncent dans l’épaisseur du plan visuel. Ces constructions toutefois se refusent à toute lecture littérale et plus encore littéraire. Elles n’en recèlent pas moins une narrativité strictement visuelle et, par là, ouverte à de multiples interprétations quand bien même l’artiste révélerait l’origine de ses artefacts.

Je vais vous raconter : L’histoire que raconte Jean Dometti ne se lit pas de gauche à droite mais de la profondeur à la surface. Le meilleur angle d’observation est donc le surplomb ; le regard oblique réserve cependant une lecture seconde, celle de la distanciation ; elle permet de percevoir la toile non seulement comme un support d’images mais encore comme un objet en soi, un document objectif dont la fonction s’étend entre le témoignage et la preuve non de quelque chose mais de l’existence de quelqu’un – l’artiste – soudain considéré comme un proche… »

Bernard Levy, rédacteur en chef


Préface du catalogue de Jean Dometti . 2014

L’obscurité chargée de mémoire silencieuse d’une crypte, la pâle clarté d’une chapelle, la meurtrissure d’un mur abandonné sont, à l’entour de l’œuvre de Jean Dometti « prédestinées » car celle-ci semble appartenir depuis toujours aux lieux qu’elle habite ; lieux de recueillement, d’où émerge un sursaut d’histoire dévoilée par les traces du fusain et du geste méditatif.

Détachées du mur, ces fulgurances de mémoire pénètrent l’espace, surgissent de la pénombre et sont mues par l’effleurement du temps.

Les tensions de liens, de nœuds, de laçages, relient ces voilures d’où émergent des griffes de traces méditatives et des strates colorées, effaçant ce qui fait sens pour rendre le fait indéchiffrable et somptueux.

Jean Dometti nous livre ces fragments réordonnés dans un agencement de messages résiduels cachés, de palimpsestes liés, de parcours secrets : amulettes chargées de mystère et de pouvoir, qui sait ?

Il ne convient pas de déchiffrer les signes singuliers qui affleurent, griffent, caressent et tracent la surface précieuse et rude du vélin, telle une peau scarifiée ; laissons-nous porter par le mystère et l’éclat de ces membranes sonores, oscillantes entre tension et tremblement.

Anne Meyer


Extraits de la préface du catalogue de Marie Dominique Roche. Conservateur en chef honoraire du patrimoine

Commissaire de la rétrospective de Jean Dometti au musée Fesch à Ajaccio. 1997

 

« … C’est là, en effet, au cœur même de cette Corse profonde que résident, comme il le dit, »les éléments moteurs et fondamentaux de sa peinture » Le travail de l’homme, fusionné à celui de l’éternelle nature vivant avec elle dans une osmose spirituelle de tous les instants, c’est l’œuvre de Jean Dometti… »

« …Il entre dans sa peinture en fabricant ses outils. Il fabrique ses couleurs, souvenir d’une première période ou il pratiquait la peinture à l’huile à l’ancienne. Il travaille essentiellement sur grandes feuilles épaisses d’Arches, laissées à l’état brut ou marouflées sur toile… »

 

Extracts of the foreword of Marie Dominique Roche’s catalog of Jean Dometti’s review to the museum Fesch in Ajaccio. 1997

Honorary chief curator of the patrimony

« …The fundamental driving elements of his painting dwell right in the depth of this Corsican country. The work of man is melted into the work of nature, continually living with her, in a spiritual osmose. This is what Jean Dometti’s work is all about…”

“…He enter his painting by making his own tools. He creates his own colours, which reming him of an early period when he painted oils in the old manner. He essentially work on large thick sheets of “papier d’Arches”,in the rough,or with a canvas backing…”

 

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